184. Les Ultra Riches VS la Planète
Soif de Sens | Écologie & socialJune 01, 202528:0325.69 MB

184. Les Ultra Riches VS la Planète

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Comment les ultra riches flinguent la planète ?

Revoici Monique Pinçon-Charlot, sociologue qui les as infiltrés et étudiés pendant 30 ans et autrice du livre : "Les Riches contre la planète, violence oligarchique et chaos climatique."

SOMMAIRE

01:50 Questions mitraillette

03:51 Don’t look up

05:01 Anthropocène vs Capitalocène

11:12 Jets privés

15:40 Scientifiques en rébellion

19:15 Comment se coordonner ?

25:45 L’histoire de Monique

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[00:00:55] Chaque semaine je reçois un humain inspirant pour t'aider à incarner le changement. Aujourd'hui on accueille à nouveau Monique Pinson-Charlot, sociologue militante, pour parler de son livre « Les riches contre la planète » et comprendre pourquoi les ultra riches sont devenus l'ennemi numéro un d'une planète habitable et de l'écologie tout simplement. Bonjour Monique ! Bonjour !

[00:01:12] C'est un vrai plaisir de vous re-recevoir après, je ne sais pas quand est-ce que c'était, peut-être il y a trois ans la dernière interview qui est d'ailleurs la vidéo la plus vue sur la chaîne YouTube sur l'univers des ultra riches sur lequel vous avez enquêté pendant beaucoup d'années. Alors je vous présente en 10 secondes, vous êtes sociologue, retraitée mais quand même très active pour une retraitée, ex-directrice de recherche au CNRS. Vous avez enquêté pendant des années sur le monde des ultra riches avec votre mari également sociologue.

[00:01:39] Vous avez publié de nombreux livres dont le dernier « Les riches contre la planète » sur justement comment les ultra riches détruisent notre planète pour préserver leurs privilèges tout simplement. Je vous propose de lancer l'épisode par une série de questions mitraillettes pour se mettre dans le bain et auxquelles c'est assez simple, c'est juste un peu ludique pour répondre le plus rapidement possible. Il n'y a pas de questions pièges. Est-ce que ça vous va Monique ? Je m'adapte.

[00:02:04] Parfait. C'est parti. C'est quoi pour vous l'exemple le plus frappant d'impunité écologique chez les ultra riches ? C'est de pouvoir menacer l'habitabilité de la planète en continuant leur prédation sur toutes les formes du vivant grâce au système capitaliste. Tout simplement. Vous préféreriez interdire les SUV ou les yachts ? Les deux. Trois mots pour résumer l'attitude des ultra riches face à l'écologie pour vous ?

[00:02:33] C'est une catastrophe climatique, une catastrophe humaine. Et du coup, nous, nous devons être à la hauteur de cette catastrophe. C'est quoi un des trucs les plus absurdes que vous avez vu chez les ultra riches ? J'ai toujours été très heureuse de faire ce travail, surtout quand il était partagé avec Michel.

[00:02:54] Et mon seul bonheur a été vraiment un vrai bonheur, c'est de comprendre les roueries et les rouages de la mécanique oligarchique. Ce serait quoi l'action de désobéissance civile de vos rêves ? J'en ai aucune parce que je ne sais pas pourquoi je suis courageuse pour écrire des livres, mais quand il s'agit de grimper sur un arbre ou de me coucher par terre devant mon jeu, ça, il n'y a plus personne.

[00:03:20] Donc, je suis admirative de ceux qui s'engagent dans la désobéissance civile. Mais personnellement, je n'en suis pas capable. On a chacun des rôles complémentaires. Et avec un jour de retard, bon anniversaire Monique ! Merci, il est en train de penser ! Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter pour cette année ? Que je reste vivante et que je puisse continuer à travailler et à écrire. Super !

[00:03:50] Pour commencer, dans votre livre, vous parlez du film Don't Look Up qui a eu un énorme succès, où l'humanité reste quand même très passive face à une comète qui va s'écraser sur la terre. Et vous, vous êtes dit, en fait, les gens, ils n'ont rien compris au réchauffement climatique. Pourquoi vous dites ça ?

[00:04:06] Oui, c'est-à-dire que ça m'a donné un bon coup de fouet pour me mettre vraiment au travail en confrontant la responsabilité des capitalistes, des oligarques dans le dérèglement climatique. Il faut essayer de faire prendre conscience au plus grand nombre de cette responsabilité.

[00:04:29] Or, ce film qui a eu un succès d'enfer, c'est quand même une comète qui est extérieure à notre planète, extérieure au système capitaliste. Enfin, en tout cas, je ne connais pas de responsabilité précise que je puisse désigner. Et qui va tomber. Et puis, voilà, il n'y a plus qu'à attendre. On est sidéré, on est tétanisé par ce qui va advenir. Et du coup, on se serre les coudes. On ne peut rien faire.

[00:04:55] Comme c'est extérieur, non seulement on ne peut rien faire, puis surtout, on nomme même pas les principaux responsables. Exactement. Effectivement, on parle souvent d'anthropocène pour parler de notre époque, c'est-à-dire que l'espèce humaine dans sa globalité, donc vous, moi, avec tout le monde, est responsable de la crise écologique. Vous, vous préférez le terme capitalocène. Donc, un système économique basé sur la prédation du vivant par une minorité. Et le terme minorité est important. Vous pouvez nous parler de l'opposition entre ces deux mots ? Ben, vous, là, enfin, je peux répéter ce que vous venez de dire, en fait.

[00:05:26] Non, les chiffres parlent d'eux-mêmes. C'est-à-dire qu'anthropocène, ça désigne les activités humaines. Et ça veut dire que tous les humains sont, à leur endroit, responsables, de près ou de loin, plus ou moins quand même. Responsables du chaos climatique. Et là, alors, on se dit, mais qu'est-ce qu'on peut faire ? On ne désigne pas grand-chose au niveau de la cause et de la responsabilité.

[00:05:54] Tandis que si on arrive à établir, comme je l'ai fait, qu'il s'agit d'un capitalocène, alors là, on se sent beaucoup plus fort. Puisqu'on désigne le système capitaliste, on désigne les capitalistes. Les capitalistes, ça veut dire ceux qui possèdent de génération en génération au sein de dynasties familiales aristocrates ou bourgeoises. Ils détiennent donc les titres de propriété qui, sous le système capitaliste, leur permettent d'exploiter toutes les formes du vivant,

[00:06:23] que sont les êtres humains, que sont les animaux et toute la nature. Et alors, à ce moment-là, on me demande, on dit, donnez-nous au moins des chiffres, prouvez-le. C'est un capitalocène. Les chiffres sont extraordinaires et ils se recoupent quelles que soient les sources. C'est-à-dire que les 50% les plus pauvres de la planète n'émettent par an et par personne qu'une tonne, 6 de gaz à effet de serre,

[00:06:53] ce qui représente 12,8% des émissions globales de gaz à effet de serre sur la planète chaque année. Alors que c'est 50% de la population. Et alors que c'est 50% de la population. Ensuite, si on passe aux 40% qui sont regroupés par les économistes, enfin par tous ceux qui font ces travaux statistiques, si on pense aux 40% des classes moyennes, là on passe à 6,6 tonnes par an et par personne

[00:07:22] qui représentent 40% des émissions de gaz à effet de serre sur la planète chaque année. Si, alors il nous reste, vous avez fait l'addition, 40 plus 50, il nous reste donc les 10% les plus riches de France qui, eux, émettent 31 tonnes par an et par personne, mais qui représentent 48,7% des émissions globales de gaz à effet de serre par an. Donc là, voilà, c'est un capitalocène.

[00:07:51] Il y a dans ces statistiques, pour les plus riches notamment, non seulement la consommation, le mode de vie qui émette beaucoup de gaz à effet de serre, si on pense aux jets privés, aux yachts, à tous les biens qu'ils possèdent, tout ce qu'ils possèdent, mais surtout avec, en tenant compte, des investissements financiers.

[00:08:14] Parce qu'en fait, le patrimoine des plus riches, par exemple, on a fait une enquête avec Michel en 1999 auprès de la DGI, la Direction Générale des Impôts, sur les 100 plus riches de l'ISF. Eh bien déjà, nous, on n'a pas eu accès aux fichiers, je vous le dis, ils ont fait le travail qu'on leur demandait.

[00:08:34] Eh bien, les 100 plus riches de l'ISF, à cette époque, leur patrimoine était composé à 97,5% de valeur mobilière, c'est-à-dire d'argent, d'argent investi, enfin voilà, d'argent. Et donc, c'est vraiment cela qui fait le fait qu'il s'agit bien d'un capitalocène,

[00:08:55] puisqu'il continue à investir à la fois dans le capitalisme fossile et dans la nouvelle forme de capitalisme, qu'on peut appeler le capitalisme vert. Oui, effectivement. Donc, il y a une proportionnalité assez flagrante entre nos revenus, en tout cas notre patrimoine et notre empreinte carbone. Voilà, comparé les 10% les plus riches, en fait, des 3 500 euros en France, on en fait partie. Donc, c'est quand même quelque chose dont il faut avoir conscience.

[00:09:25] On est mis en moyenne, vous l'avez dit, 36 tonnes de CO2, donc c'est déjà beaucoup plus que 1,6 tonnes des 50% les plus pauvres. Ce qui n'empêche pas qu'effectivement, il y a ce que vous dites, cette oligarchie, où les milliardaires, eux, les 3 000 milliardaires de la planète, ils émènent en moyenne 2 500 tonnes de CO2 par personne et par an. Donc, voilà, c'est 70 fois plus que les 10% les plus riches. Donc, il y a vraiment une courbe exponentielle.

[00:09:52] Pourquoi est-ce qu'on a aussi peu conscience de ces ordres de grandeur, en fait ? Parce qu'ils ne sont pas du tout diffusés auprès du grand public. Nous, on les connaît parce qu'on lit les journaux, on suit des journalistes d'investigation, il y a des livres, il y a des enquêtes, il y a des économistes, il y a des lanceurs d'alerte. Et donc, on sait, mais si vous voulez, ce n'est pas tellement relayé dans les médias des milliardaires, parce que ce n'est pas leur intérêt.

[00:10:20] En France, si, comme le dit Acrimed, c'est 80 ou 90% des médias dominants qui déversent la pensée unique de l'idéologie néolibérale à longueur d'antenne, bien entendu qu'ils ne vont pas dire, ils ne vont pas parler de ce que je suis en train de parler. Et donc, du coup, beaucoup, beaucoup de citoyens du monde entier ne se rendent pas compte de la responsabilité

[00:10:47] de ceux qui se présentent comme des entrepreneurs, des créateurs d'emplois, des créateurs de richesses. Donc, nous ne serions rien sans eux. Ils ne peuvent pas partir, ils ne peuvent pas renoncer à nous prêter de l'argent pour qu'on puisse avoir du travail. Ouais. Un des exemples de ce capitalocène, donc cette domination violente des ultra-riches, c'est les jets privés.

[00:11:17] Par exemple, un seul aller-retour Paris-New York en jets privés équivaut en moyenne à ce qu'émet un Européen en un an. Et pire, donc, un ultra-rich émet plus de carbone en un seul voyage en jets privés que la majorité des gens en toute une vie. Donc, forcément, la majorité des gens qui vivent dans des pays plus pauvres que la France. En quoi les jets privés, pour vous, c'est un symbole de comment les ultra-riches détruisent la planète ? Donc, c'est surtout un symbole du séparatisme,

[00:11:44] de leur séparatisme, du séparatisme des riches. Parce que, si vous voulez, le jet privé émet effectivement beaucoup de gaz à effet de serre. Et ceux qui ont les jets privés, ceux qui en profitent, en tout cas, ils ont plein d'avantages. Alors, ils ont des aéroports spécifiques où ils n'ont pas à faire la queue comme nous quand on va à Roissy ou à Orly. On est là tous avec nos sacs à dos, serrés les uns contre les autres et on attend et on attend et on attend.

[00:12:14] Je ne savais même pas qu'il y avait des aéroports. Oui, en même temps, ça paraît logique. Oui, le bourget pour la France. Je ne sais plus comment. Les noms sont dans mon livre. Je ne m'en rappelle pas en Angleterre, en Suisse et de partout. Et voilà, ils ont beaucoup moins de contraintes. Ils peuvent s'envoler assez vite. Et il y a un niveau de confort dans ces jets privés qui est absolument extraordinaire. Et donc, il y a un ami à nous

[00:12:41] qui travaille avec des milliardaires et qui nous a accordé un entretien. Ils ont gardé un extrait pour le publier dans le livre où ils montrent que tout est luxe, calme et volupté. Et puis, ce sentiment d'être une race à part, ce sentiment de voler au-dessus de la terre dans le confort, la rapidité et le calme,

[00:13:11] parce que tout est silencieux, parce que c'est très, très, très confortable, vraiment. Et donc, voilà, c'est un sentiment, si vous voulez, de richesse symbolique, un sentiment de domination et un sentiment, surtout, une certitude, plutôt, que l'on ne rencontrera au cours du voyage aucune personne qui ne sera rien, comme dans une gare. Vous vous rappelez la phrase d'Emmanuel Macron, « Quand je vais dans une gare, je rencontre des gens qui ont réussi et des gens qui ne sont rien ».

[00:13:40] Eh bien, dans un chat privé, il y a bien sûr qu'il y a du personnel de service, mais qui est tellement bien habillé, qui est tellement au service des puristes qu'il n'y a pas ce processus de déshumanisation qu'a pu avoir le président. Le président de la République. Pardon, le président. J'ai dit le méprisant, c'est une... Le président de la République. C'est vrai que, que ce soit dans la manière dont il se déplace, ou même juste dans les géos où il s'habite,

[00:14:09] ou les écoles, etc., effectivement, il y a cette distance géographique qui peut-être peut en partie, au-delà, effectivement, du monopole des médias, etc., pourquoi on a autant de mal à identifier les ultra-riches comme les principaux responsables de la crise environnementale ? Enfin, moi, ça me semble lunaire à quel point ils s'en sortent bien par rapport aux écocytes qu'ils y commettent. Oui, alors ça, dans mon livre, il y a un peu toutes les explications à ce sentiment-là que vous exprimez, parce que comme ils possèdent,

[00:14:38] ils contrôlent la pensée unique, ils contrôlent l'idéologie qui leur permet de nous convaincre qu'ils sont indispensables, alors que ce sont des parasites. Eh bien, c'est toujours d'opérer des manipulations idéologiques, l'emploi d'oxymore, la pensée oxymorique

[00:15:07] comme développement durable, c'est-à-dire deux termes qui sont contradictoires. C'est parler de la neutralité carbone. Du coup, ils financiarisent la neutralité carbone, ils financiarisent tout ce qui concerne le climat. Ils financiarisent les forêts qui devraient absorber du carbone, mais pour faire diminuer, évidemment, les émissions de gaz à effet de serre par ailleurs.

[00:15:37] Oui. Face à l'inaction des élites et la gravité de la crise écolo, vous vous appelez à la désobéissance civile, comme le font les scientifiques de c'est un action rébellion, par exemple, pour alerter sur l'urgence climatique et juste exiger des changements systémiques. Alors, il y a eu plein d'actions. Oui ? Oui. Non, je n'ai pas appelé officiellement dans les pétitions qui ont circulé, mais parce que je ne veux pas

[00:16:06] du tout être clivante, parce que je pense que chacun doit trouver dans mon travail toutes les solutions possibles. Oui, c'est une piste parmi d'autres d'agir à son action. Comme je l'ai dit, je ne suis pas courageuse et donc chacun fait ce qu'il peut là où il est. Et après, ce qui est important, c'est qu'on coordonne ça avec une émission comme « Avec soif de sens », avec un livre, avec des rencontres, toutes sortes de moments

[00:16:34] où on peut coordonner nos luttes au lieu de se diviser et en méprisant ceux qui font autre chose alors que vous pensez que c'est vous qui faites le meilleur. On va parler juste après, oui. Pour la désobéissance civile, justement, par exemple, il y a eu des actions spectaculaires comme l'invasion du tarmac de Roissy, l'occupation du Muséum National d'Histoire Naturelle, où à chaque fois, les scientifiques dénoncent les abus de l'oligarchie et notamment l'impact environnemental comme via les jets, par exemple. Est-ce que vous, il y a eu une action

[00:17:04] de désobéissance civile qui vous a particulièrement marquée ? Non, je trouve que tout ce qui… Enfin, j'ai beaucoup souffert pour les écureuils dans les arbres pour la A69. Mais non, je trouve que c'est toujours très courageux et je dirais que, franchement, c'est quand même très important effectivement de se poser quelques instants là-dessus parce que ce n'est pas rien

[00:17:32] quand les premiers 900 chercheurs le 20 février 2020, ça je ne vous dirai jamais, dans le monde, ont signé cette pétition en disant « Sortez de vos laboratoires et allez dans les associations de désobéissance civile ». Là, c'était véritablement un appel. Il y a le feu et on voudrait nous empêcher de prendre de l'eau pour éteindre le feu. Notre avenir est très sombre, était la fin de cette pétition. Et donc,

[00:18:03] il faut avoir confiance dans les scientifiques qui, c'est d'un courage inouï parce que, par ailleurs, il y a dans toute la population scientifique, dans toute la profession des scientifiques, cette notion de neutralité axiologique qu'on fait notre travail mais on n'a pas à dénoncer quoi que ce soit parce que c'est la neutralité qui, alors que, non, pour moi,

[00:18:32] on ne peut pas nous découper en morceaux. On a un cerveau, un corps, on pense et il y a des inégalités et là, il y a une catastrophe épouvantable qui est déjà là. Et donc, le rôle des scientifiques, c'est précisément d'être aussi les lanceurs d'alerte. Et puis, il y en a plein qui mettent aussi leur carrière en danger à s'engager ainsi vu à quel point forcément, les industriels peuvent financer la recherche parfois. C'est aussi un acte de bravoure, quoi. Oui,

[00:19:01] c'est un acte héroïque et qui n'est pas assez, je trouve, mis en valeur. Surtout à une époque où on défend corps et âme, la science, mais des fois, c'est un peu juste quand ça nous arrange, quoi. J'ai l'impression que ces dernières années, avec le recul du syndicalisme, par exemple, ou juste la montée de l'individualisme et la complexification de notre société, c'est plus dur de faire collectif face à un problème de société. Vous avez parlé justement du fait de l'importance de se coordonner, coordonner la lutte

[00:19:30] entre les différents acteurs du niveau local au mondial. Vous pourriez nous en dire plus sur cette coordination ou concrètement à quoi ça ressemble sur le terrain cette coordination ? sur le terrain, ça ressemble, comme je vous l'ai déjà dit, à ce qu'on est en train de faire là, à toutes les rencontres qui ont lieu dans toute la France avec des chercheurs, avec des intellectuels. C'est extraordinaire le nombre de rencontres dans des librairies,

[00:19:59] dans des associations diverses et variées. Donc, il y a vraiment quelque chose qui se passe dans la diffusion de la connaissance scientifique, dans la transmission de la connaissance scientifique, ce qui est tout à fait normal puisque ce sont quand même des contribuables qui payent les salaires des chercheurs. Et donc, tout cela, c'est des instances de coordination, mais il y en a beaucoup d'autres parce qu'il y a beaucoup de gens qui ont décidé de vivre en cohérence

[00:20:29] avec leurs idées et qui, par exemple, font des formes de solidarité dans des éco-villages fin fondé ces vèmes de la Lauser, enfin, un peu de partout, des réseaux de solidarité incroyables qui se n'unit ici et là. Donc, la coordination, c'est vraiment de… En tout cas, la volonté de la coordination, c'est vraiment de lutter contre les divisions. C'est vraiment de lutter contre des divisions qui sont absurdes

[00:20:59] à un moment où on a ce rendez-vous historique avec une menace assez grave sur l'habitabilité de la planète. Mais alors, si vous voulez, si je suis si vive, si j'espère convaincante, c'est parce que j'ai travaillé avec Michel sur l'oligarchie, sur ses grandes familles et du coup, en fait, cette idée de coordination

[00:21:29] nous est vraiment venue au contact de ces gens-là. Parce que, si vous voulez, la conscience de classe tout en haut de la société, elle se forge précisément de la manière suivante. C'est-à-dire que chaque individu à sa naissance va être construit avec un habitus de classe bien structuré et pour que chacun ait bien conscience qu'il appartient

[00:21:59] presque à une race supérieure, à une classe, en tout cas, supérieure, à une classe qui a des responsabilités puisqu'on hérite des titres de propriété des ancêtres. Alors, quelquefois, il y a plusieurs quartiers de noblesse, quartiers de bourgeoisie, mais au final, vous n'êtes, pauvre être humain, qu'un du fritier, c'est-à-dire que tous ces titres de propriété, il faudra ensuite les transmettre aux générations futures. Et donc,

[00:22:27] vous avez une responsabilité. Donc, chacun fait ce qu'il veut. Par exemple, si ce sont des membres de la famille, si c'est la famille Rothschild, certains sont faits pour la finance et sont heureux dans la finance, d'autres préfèrent le bon vin et c'est le mouton Rothschild. Une autre, avec laquelle on a pas mal travaillé, mon ami de Rothschild, qui était une maîtresse d'équipage des chasses-à-cours, qui nous a permis de comprendre comment c'était possible que le rapport de classe

[00:22:58] de la chasse-à-cours se reproduisait tel que plusieurs fois par semaine pendant six mois par an dans toutes les forêts de Maniales de France, avec toujours les mêmes tenues, les mêmes boutons, les mêmes techniques de chasse, etc. Bon, Monique de Rothschild était pour ça et pour cela une interlocutrice vraiment passionnante. Donc, chacun fait ce qu'il veut là où il est, là où il a envie d'être. La seule chose qu'on lui demande,

[00:23:27] c'est d'être toujours au sommet, au sommet du secteur de l'activité économique et sociale de son choix. Et donc, après, ils sont tous au sommet, aujourd'hui, à l'Elysée, de partout, ils contrôlent les médias, ils contrôlent la santé, l'enseignement, c'est pratiquement tout ce qui était commun est aujourd'hui, y compris la nature financiarisée, source de titres de propriétés

[00:23:57] et je ne me rappelle plus où j'allais. Que même s'ils se tirent la bourre entre eux régulièrement, ils ont quand même en tête cet intérêt collectif de, il faut défendre notre groupe malgré nos désaccords entre nous. Voilà, et du coup, ils sont très forts. Voilà, ils sont très forts et donc, la technique, elle est toute simple, ils créent du social institué comme appelait Pierre Bourdieu, c'est-à-dire des institutions, des associations, des institutions, des cercles, des rallies,

[00:24:27] des Bilderberg, des Davos, de la trilatérale, etc. Mais alors, c'est une nasse au-dessus de, enfin, je l'imagine au-dessus de nos têtes qui est dingue, c'est-à-dire que vraiment, alors, ils ne sont pas nombreux, mais ils sont toujours entre eux, à la fois dans leur quartier d'habitation, mais également dans toutes ces institutions que je viens de vous décrire et là, toujours dans la joie, dans des lieux super, enfin, on est toujours

[00:24:56] dans la richesse, la richesse, la grande richesse et voilà, mine de rien, est-ce qu'ils travaillent, est-ce qu'ils sont en train de s'amuser, mais là aussi, il n'y a pas de frontière, en réalité, ils sont les deux en même temps. Et donc, vous dites, nous, il faut qu'on s'inspire en deux pour mettre de côté nos différents pour faire fond, comme le Front Populaire ou autre, voilà, s'unir l'intersyndicale, voilà, parce que si vous voulez, à l'heure d'aujourd'hui, ça paraît quand même assez invraisemble,

[00:25:26] qu'on puisse se lancer comme ça, par exemple, dans la prochaine campagne des présidentielles, sans les réflexions de collectivisme, de communisme, de partage pour l'avenir de la planète. Alors, 76 ans, 76 ans, vous êtes toujours hyperactif. Non, j'ai 79. 79, pardon, je vais mal calculer, désolé. Mais j'aime bien, vous m'avez rajeuni, alors ça va. Oui, c'est pour ça. Je rectifie.

[00:25:57] Vous êtes toujours hyperactif pour un monde plus juste et durable et je pense que ça en inspire beaucoup. Pourquoi ça vous tient autant à cœur ? Parce que j'ai grandi en Lauser, j'ai grandi dans un milieu social plutôt bon petit bourgeois, mais où je n'avais pas accès ni au cinéma, ni au musée, ni au théâtre pour des raisons

[00:26:28] personnelles et familiales. Et donc, du coup, j'ai quitté Lauser à l'âge de 17 ans pour aller à Lille où mon père avait été nommé procureur de la République. Et puis, là, j'ai rencontré une professeure de philosophie, Moëlla Barraquin, qui, dès le premier jour, m'a parlé, a parlé, enfin m'a parlé, je lui ai ressenti comme si c'était à moi, qu'on pouvait mettre des mots sur le patriarcat,

[00:26:57] sur la domination entre les hommes et les femmes, entre les parents et les enfants, sur l'exploitation, sur tout ce qui pourrait me faire souffrir et que ce n'était pas du tout, ce n'était pas quelque chose qui était naturel, que toutes ces institutions qui m'avaient fait souffrir étaient en réalité des constructions sociales. Et donc, à partir de ce moment-là, mon bonheur, parce que j'étais quelqu'un de très traumatisé et de très timide,

[00:27:26] je n'arrivais pas à parler en public. Ah oui, ça a changé ça. Oui, ça a changé. Et c'est extraordinaire et ce bonheur existentiel que j'ai donc rencontré à l'âge de 17 ans et qui s'est renouvelé lorsque je suis tombée amoureuse de Michel deux ans plus tard, à 19 ans, eh bien, Michel était un peu dans, on avait deux habitus de classe très différents, mais quand même, on était tous les deux dans cette recherche de comprendre le monde et si possible, de contribuer à le changer.

[00:27:56] Parce que lui, il était plus de la classe ouvrière, je crois. Oui, vraiment plus très pauvre. Ce n'était pas une classe ouvrière à l'aise. Et donc, non, je pense que notre couple a beaucoup aidé parce que sinon, nous n'aurions pas été reçus par les familles de la grande bourgeoisie dans la mesure où on n'invite pas à un cocktail ou à un dîner une petite femme comme moi toute seule ou à un grand bonhomme comme Michel tout seul. On invite un couple, on invite une famille, on invite un collectif. Merci Monique

[00:28:26] pour cet échange captivant. Je vous invite à lire Les riches contre la planète et si cet épisode vous a plu, je vous mets en description le lien de notre première interview sur les ultra-riches avec Monique et vous avez beaucoup plu. Merci beaucoup Monique. Au revoir tout le monde. Merci Pierre. Au revoir. A dimanche prochain pour un nouvel épisode. Ciao tout le monde. Au revoir.